La Reine-des-Prés, "l'aspirine végétale" de nos campagnes

La Reine-des-Prés, "l'aspirine végétale" de nos campagnes

BOTANIQUE

La Reine des Prés est une plante vivace qui fait partie de la famille des Rosacées, importante famille botanique qui comporte beaucoup de plantes nourricières et guérisseuses, qui ont toujours été en lien avec les hommes, dans toutes les traditions. D’ailleurs, il n’existe aucune plante à poison chez les Rosacées…

Son nom scientifique a changé : elle s’appelait auparavant Spirea ulmaria et porte maintenant le nom de Filipendula ulmaria. Spirea en référence à son fruit en forme de spirale, et racine du mot aspirine, mais on y reviendra. Filipendula décrit la structure de ses racines en fils pendants et ulmaria car ses folioles ressemblent aux feuilles de l’orme (ulmus en latin).

Elle porte beaucoup de noms vernaculaires : Belle des prés, Ulmaire, Barbe de chèvre, Ormière, Pied de bouc, Vignette, Fleur des abeilles... mais le plus connu reste Reine des Prés.

Belle herbacée au port très érigé (vertical), elle est facilement reconnaissable avec sa tige rougeâtre (et glabre) et son élégante couronne de petites fleurs délicates, floues et blanc crème, au parfum unique d’amande, frais et vert à la fois. L’odeur est assez faible au départ, mais se développe de manière aromatique après froissement. On peut aussi reconnaître l’odeur caractéristique de l’aspirine… Normal pour une aspirine végétale !

La feuille, vert sombre au-dessus, est feutrée de blanc dessous. Les fruits en grappe sont enroulés sur eux-mêmes, en forme de spirale, ce qui a donné le nom de spirée à la plante, comme je le disais.

Elle mesure de 50 cm à 1,50 m, voire 2 m. C’est une plante mellifère qui se plaît dans les prairies humides, au bord des chemins ou dans les fossés. Elle fleurit de juin à septembre partout en France sauf dans le bassin méditerranéen, trop sec.

La reine des prés est originaire d’Europe, où elle est très répandue. Elle a été naturalisée dans certaines parties du Canada et des États-Unis où elle est maintenant considérée comme une mauvaise herbe nuisible !

 

HISTOIRE

On trouve des traces d’une utilisation de la Reine des Prés dès le Néolithique, dans certains tumulus : la tête du défunt aurait été couronnée par des fleurs de reine des prés.

L'utilisation millénaire de cette plante dans le milieu funéraire pourrait ainsi correspondre à un rite faisant référence au savoir médicinal des populations du Néolithique et de l'Âge du Bronze.

Elle est inconnue dans l’Antiquité car absente du pourtour méditerranéen. Par contre, pendant des milliers d'années, la reine-des-prés a été associée à la pratique spirituelle des druides. Selon certains, c'était l'une des trois plantes les plus sacrées des druides anciens, les deux autres étant la menthe aquatique et la verveine.

Pour les Celtes, la reine-des-prés est la fleur des funérailles car elle favorisait le passage entre un état et le suivant, c’était donc aussi la plante des initiations, d’ailleurs, elle était offerte en petits bouquets aux jeunes mariés, à qui elle était censée porter bonheur.

Par contre, il ne fallait pas la laisser faner trop longtemps : le parfum des fleurs passe du doux à l’amer au fur et à mesure qu’elles se fanent, et l’on pensait que cela représentait les changements dans les nouvelles et les anciennes relations…

Les Celtes utilisaient la reine des prés pour parfumer l'hydromel : les dénominations vernaculaires écossaises et même Scandinaves de Filipendula font systématiquement référence à l'hydromel (i. e. meodu, mead ou mede).

La reine des prés occupe également une place importante dans la mythologie et le folklore irlandais : Áine (la déesse irlandaise protectrice des animaux, de l’environnement et des femmes) a donné son parfum à la reine des prés et son nom gaélique, Crios Cú Chulainn, est également le nom d’un guerrier héroïque figurant dans les récits du cycle d’Ulster. Ce guerrier, redoutable au combat, souffrait de problèmes de gestion de la colère en dehors de la guerre, et sa colère n’était apaisée qu’en se baignant dans de la Reine des prés et en portant les fleurs à sa ceinture.

Au Moyen-âge, la Reine des Prés servait aussi à assaisonner la nourriture et en tant que plante à joncher : jeter des fleurs et des herbes parfumées sur le sol d’une maison était autrefois une pratique courante. Cela permettait de couvrir les odeurs désagréables qui pouvaient être emprisonnées à l’intérieur, de créer un sol plus chaud et plus sec, et d’aider à prévenir les infections et les maladies. La reine Élisabeth Ire d’Angleterre utilisait la reine des prés comme plante et fleur préférées pour recouvrir le sol de ses chambres…

Aujourd’hui, la reine des prés est toujours séchée et incluse dans les mélanges de pots-pourris parfumés.

Les fleurs parfumaient aussi les vêtements rituels ou, macérées dans l'huile, étaient utilisées en baume rituel.

La racine de reine des prés peut produire une teinture noire naturelle en utilisant un fixateur de teinture au cuivre. C’est pourquoi, au Moyen Âge, on l’utilise pour ses vertus aromatiques et décoratives mais aussi tinctoriales : elle donne une coloration jaune vif aux textiles.

Plus tard seulement, à partir du XVIIIe siècle, la Reine des Prés fut utilisée en décoction vineuse comme astringente ou contre les fièvres malignes.

C’est au milieu du XIXe que cette fleur sauvage commence à se faire connaître pour ses vertus santé, grâce aux travaux de l’abbé Obriat, qui révèle ses propriétés anti-inflammatoires, et pour cause : la reine-des-prés contient de l’acide salicylique. Ce constituant, présent également dans le saule, est précurseur de l’acide acétylsalicylique, qui n’est autre que la substance active de l’aspirine, découverte en 1853 par le chimiste strasbourgeois Charles Frédéric Gerhardt.

Quelques années plus tard, en 1899, les chercheurs de Bayer ont synthétisé l’acide acétylsalicylique (aspirine) à partir de l’acide salicylique provenant des bourgeons de la reine des prés. L’histoire de la médecine et le traitement de la douleur connaissent alors un tournant majeur.

C’est pour cela que la reine-des-prés est toujours qualifiée à juste titre d’« aspirine végétale », même si le médicament commercialisé à la fin du XIXe siècle l’a largement supplantée partout dans le monde.

NB pour les scientifiques : l’acétyl n’est autre que la molécule ajoutée par les industriels pour cacher l’amertume de l’acide salicylique, mais n’a pas d’intérêt thérapeutique en soi.

Au-delà de l’acide salycilique, la Reine des Prés comporte de nombreux principes actifs intéressants, notamment des tanins, de la vitamine C, fer, calcium, soufre, vanilline (qui donne le léger goût de vanille aux tisanes), ainsi que des flavanoïdes (de puissants antioxydants.

 

CUEILLETTE

La reine-des-prés se multiplie spontanément, on la trouve en grosses « stations » qui sentent fort en été, il est donc  aisé de partir en cueillette dans la nature.

Il est également possible de la cultiver au jardin, en divisant ses racines au printemps ou à l'automne.

Les fleurs de reine des prés attirent divers pollinisateurs, notamment des abeilles, des papillons, des papillons de nuit, des mouches et d’autres insectes.

Les sommités fleuries sont utilisées en phytothérapie. La récolte se déroule du printemps à l'été, lors de l'éclosion des fleurs. La plante est alors séchée, car lorsqu'elle est fraîche, elle ne semble pas avoir l'ensemble de ses propriétés. On utilise également les feuilles et parfois les racines.

 

CUISINE

En été, la reine des prés fait une boisson glacée délicieuse au goût vanillé. Les feuilles, boutons floraux, fruits et fleurs peuvent être utilisés en cuisine pour aromatiser les crèmes desserts et préparations sucrées.

Grâce à ses fleurs parfumées, la reine des prés a plusieurs applications culinaires : ses fleurs et ses feuilles ont été infusées pour le thé. Ses fleurs ont été utilisées pour sucrer et aromatiser l’hydromel, le vin, la bière et le vinaigre. Elle a également été utilisée pour ajouter une légère saveur d’amande aux confitures et aux desserts tels que la panna cotta.

 

PROPRIÉTÉS ET UTILISATIONS

La Reine des Prés est une plante médicinale de premier plan .

Antalgique et anti-inflammatoire, cette authentique aspirine végétale prend soin de vos articulations. Grande diurétique, elle aide aussi à éliminer tout en douceur ; c’est une grande « dépollueuse » de l’organisme !

1/ C’est avant tout un excellent antalgique naturel, qui agit sur les médiateurs de l’inflammation. Elle est aussi légèrement sédative.

De ce fait, la reine-des-prés permet de soulager la fièvre, les douleurs articulaires, musculaires ou dentaires, les rhumatismes, l’arthrose, les tendinites, la goutte ou encore les maux de tête.

C’est une plante qualifiée de « rafraîchissante » en herboristerie : elle calme le feu de l’inflammation en dilatant les vaisseaux et en tonifiant le cœur tandis que ses tanins (astringents, resserent les tissus) protègent le système cardiovasculaire et intestinal. Appréciable pour traiter les diarrhées ! Elle compensera aussi l’acidité du reflux gastrique et des brûlures d’estomac.

La plante qui a donné naissance à l’aspirine réparerait donc les lésions provoquées... par une surconsommation d’aspirine !!!!

Associée au cassis, elle constituerait un traitement de fond solide pour lutter contre la maladie rhumatismale chronique. Elle remplace efficacement l’aspirine, permettant du même coup d’en éviter les effets secondaires comme les ulcères et les hémorragies du tube digestif.

Une étude de 1989 a montré que la reine-des-prés, associée avec le cassis , est un traitement efficace des maladies articulaires chroniques. Diminuant la prise d'antalgiques et d'anti-inflammatoires chimiques qui peuvent avoir à la longue des effets secondaires importants, elle a également un effet dilatateur des vaisseaux, tonifiant ainsi le coeur.

On l’utilise aussi beaucoup en mélange, avec du frêne notamment, du sureau ou de la vigne rouge, selon les propriétés recherchées… Ou de la guimauve pour les intestins hyper-sensibles.

2/ C’est aussi une grande plante de l’élimination : en effet, les sommités fleuries de la plante sont dépuratives et digestives, elles favorisent la diurèse (plante diurétique), c’est-à-dire le travail des reins et la production d’urine.

Facile à retenir : la Reine-des-Prés est une plante qui aime l’humidité et qui a une action… sur les problématiques liées à l’eau dans le corps humain !

 En augmentant le volume urinaire, elle évacue les excès d’acide urique qui pourrait venir se loger dans les articulations. Son potentiel drainant aide à prévenir les calculs rénaux et les œdèmes.

Elle a aussi une action sur l’élimination lymphatique : contre la rétention d’eau et la cellulite, elle s’impose donc aussi comme un bel allié minceur pour ne pas reprendre du poids à la rentrée.

3/ La reine-des-prés est aussi une grande fébrifuge, très réputée pour lutter contre les fièvres excessives car elle possède des propriétés sudorifiques pour faire transpirer et antiseptiques pour traiter l’infection et chasser les bactéries. Parfaite en cas d’état grippal et petits virus hivernaux…

Elle est aussi préconisée pour soulager les maux de tête et de dents. Avec 10 à 15 % de tanins, la reine-des-prés est très astringente et anti-bactérienne. En infusion, elle est le bain de bouche idéal pour les gingivites, les angines ou en hygiène buccale.

4/ La reine-des-prés est également indiquée pour limiter, voire pour bloquer et enrayer les sécrétions d'acides gastriques et apporter un soulagement lors de brûlures d'estomac et d'ulcères. Elle traite également les indigestions et les diarrhées, surtout chez les enfants.

5/ C'est encore une des rares plantes capables de capter certaines toxines comme le benzo(a)pyrène. Ces études prometteuses nous permettent de penser que la reine-des-prés agit en "dépollueuse" de l'organisme, ce dont on a le plus besoin aujourd'hui.

6/ En externe, on l’utilise aussi pour soulager plaies et rhumatismes, en compresses avec un infusé concentré.

Rayon cosmétique, on la trouve aussi sous forme de macérats huileux pour tonifier les peaux matures ou relâchées et les pores dilatés. En teinture-mère, la reine-des-prés s’applique directement sur l’articulation douloureuse ou sur un hématome. Cicatrisant : contre les coupures, en appliquant directement une feuille de la plante sur la plaie.

En interne, les formes privilégiées seront l’alcoolature ou la tisane, ou encore les gélules de poudre.

Selon le but recherché, on utilisera plutôt l’un que l’autre : en tisane pour ses propriétés diurétiques et fébrifuges, en alcoolature pour ses propriétés antalgiques et anti-inflammatoires.

En tisane : 3 tasses/jour en moyenne, à raison de 20g/litre d’eau.

En alcoolature : à raison de 150gt/jour pendant 4 ou 5 jours pendant les crises aigues, ou en mode cure, à raison de 90 gt/j pendant 3 semaines.

Ou encore en hydrolat, dans la gourde des sportifs : extra pour contrer les courbatures !!

7/ Attention quand même à ses propriétés anti-coagulantes : la Reine-des-Prés est une fuidifiante sanguine, on l’utilisera donc avec précaution chez les personnes qui sont déjà sous traitement anti-coagulant.

La Reine-des-Prés n’a toutefois pas les mêmes conséquences que l’aspirine, elle est donc tout à fait utilisable par les femmes en période de règles, par exemple. Et elle n’a pas d’effet anti-agrégant plaquettaire, donc pas de souci de ce côté-là.

Bien évidemment, elle est contre-indiquée aux personnes qui ne supportent pas l'aspirine.

En l'absence de données suffisantes, il est déconseillé aux femmes enceintes ou qui allaitent de l'utiliser.

Enfin, nous conseillons de la consommer à distance de la prise de médicaments, car les tanins peuvent interférer avec leur absorption.

 

SYMBOLISME

Les fleurs crème de la reine-des-prés et son parfum printanier rappellent que le changement est l'une des grandes spécificités dans ce monde, et que la meilleure façon de l'accepter est de le célébrer.

Que vous quittiez un emploi, une relation ou un environnement familier ou que vous joigniez vos forces à celles de vos collègues ou d'un partenaire, la Reine des prés nous dit de faire attention au changement en cours : elle nous incite à marquer une transition ou un événement important et à ne pas tenter de l'ignorer, que ce soit un déménagement, un départ de la maison, la puberté, la réussite d'un projet créatif, l’atteinte d'un âge significatif, une séparation, un divorce... la Reine-des-Prés nous invite à célébrer ce passage.

La vie est changement !